Klasja Habjan

IFC : Bonjour Klasja, merci de nous consacrer du temps pour ce portrait.

Vous êtes une illustratrice, autrice et designeuse croate, basée à Zagreb. Votre première collaboration avec l’Institut français de Croatie était dans le cadre du programme de résidences croisées France – Croatie dans le domaine de la bande dessinée. A cette occasion, vous êtes allée à Angoulême en septembre 2024, à la maison des auteurs de la Cité de la bande dessinée, pour travailler sur votre prochain projet. L’Institut français est heureux d’accueillir ce mois-ci votre exposition « Ma grand-mère s’appelle comme le chocolat », restitution de votre résidence en France.

 

  1. Pouvez-vous nous présenter cette exposition qui allie texte et image ?

Je présente des dessins et des textes réalisés lors de ma résidence à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, à Angoulême, où j’ai entamé la création d’un roman graphique dédié à ma grand-mère „Ma grand-mère s’appelle comme le chocolat“. C’est un recueil de pensées intimes, de courts récits en prose et en vers, accompagnés d’illustrations. Sa parution est prévue au début de l’année prochaine (aux éditions Malih Zvona).

  1. Vous présentez ici des pages de votre livre « Ma grand-mère s’appelle comme le chocolat ».  Pouvez-vous nous raconter comment cette œuvre est née ?

J’ai grandi dans une maison avec mes parents, mon frère et ma grand-mère. Ces dernières années, elle vit dans une maison de retraite et lutte contre la démence, la surdité et la cécité. La démence est apparue soudainement, prenant notre famille de court, car jusque-là, elle avait toujours été elle-même, consciente et présente. Chacun de nous a dû trouver un moyen de faire face à cette nouvelle réalité. Pour ma part, j’ai essayé de capturer son esprit, de ne pas oublier, en tant qu’aînée des petits-enfants, son ouverture, sa gaieté et sa chaleur.

  1. Vous avez participé en 2024 au programme de résidences croisées France-Croatie à Angoulême. Quelles ont été vos motivations pour répondre à cet appel à candidature ?

J’apprends le français depuis l’enfance et j’aime la bande dessinée. Même si je n’ai jamais réalisé de bande dessinée au sens classique du terme, Le Fantôme du Bauhaus (MSU) s’en rapprochait suffisamment, et avec le projet autour de ma grand-mère, cela m’a permis d’obtenir la résidence et de me lancer dans cette aventure.

  1. En quoi cette expérience vous a-t-elle inspirée ?

Angoulême est une ville tout droit sortie d’une bande dessinée, peuplée de gens baignés dans l’univers de l’animation, des histoires et du dessin, avec ses voitures de course vintage et son centre médiéval en pierre, perché sur une colline au bord de la rivière. La Cité est une ruche d’artistes talentueux venus du monde entier, chacun disposant de son propre espace de travail, entièrement et professionnellement équipé, avec vue sur une petite place avec des cafés où l’on se retrouvait pendant les pauses. Être dans un lieu où tout le monde dessine, souvent sur des projets très personnels et avec des styles graphiques très singuliers, et pouvoir être témoin de leurs processus créatifs est vraiment un honneur et une source de joie. Beaucoup sont devenus des amis et je suis persuadée que nous nous reverrons et créerons ensemble à nouveau.

  1. Percevez-vous des différences dans la manière dont la BD, ou les arts graphiques en général, sont perçus en France et en Croatie ?

En France, la bande dessinée me semble faire partie intégrante de la culture générale et de la fierté nationale. Les files d’attente devant le musée de la bande dessinée pour voir des classiques ou l’effervescence autour des nouvelles parutions et des auteurs lors du festival m’ont rappelé l’ambiance des concerts – sauf qu’ici, il s’agit de livres imprimés et d’histoires personnelles. À Angoulême, les statues dans la rue représentent des auteurs ou des personnages de BD, et les graffitis prennent la forme d’œuvres d’art en bande dessinée. Les jeunes dessinent allongés par terre sur les places ou jouent à des jeux de société dans les parcs ; tout cela semble lié à une manière particulière de passer son temps libre. En Croatie, j’ai l’impression qu’il manque cette habitude de consommer et de partager la fascination pour la bande dessinée. Peut-être cela s’est-il perdu avec les nouvelles générations, mais j’espère que cela pourra changer et que les réseaux sociaux auront un jour une vraie concurrence. Je pense que nous sommes tous conscients de la puissance et de la richesse de ce médium, et de son fort potentiel éducatif.

  1. Envisagez-vous de futures collaborations avec des institutions ou artistes français ?

J’aimerais que le livre sur ma grand-mère soit traduit en français, et j’aimerais aussi postuler à une résidence à Paris – mais rien ne presse. Jusqu’ici, les choses se sont bien enchaînées, donc je reste optimiste.